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18 mars 2023

Ode à l’exil

       
« En perdant ma patrie, j’avais aussi perdu la tranquillité. »
Les Pontiques, Ovide

 

De Marbourg à Istanbul, Erich Auerbach 1936
 

Ville inconnue, là je ne suis qu’un étranger
Sans grand avenir et conscient d'avoir changé,
Orphelin de mon pays, craignant pour mon corps,
J’y avais laissé tous les miens, vivants et morts,
Pénible voyage qui a duré longtemps
Et m'a montré que rien ne serait comme avant.

 

Mes yeux contemplaient des monuments inconnus,
Mes narines respiraient des effluves sucrés,
Mon cœur se serrait sur ce que j'avais perdu,
Sur l’absence de tous ceux que j'ai tant aimés,
Sur cet exil si soudain, si traumatisant 
Où mon esprit ressassait le bonheur d'antan.
 

Là-bas aussi, j’étais devenu étranger,
Considéré comme un paria, un hors-la-loi,
Là-bas désormais, on ne voulait plus de moi,
Sur mes gardes, ne sachant plus à qui me fier.
Dans cette Allemagne, où était donc ma place
Et surtout pourquoi tant de haine envers ma race ?
 

Les bras broyés par le poids des lourdes valises,
Il s’arrêta, allant de surprise en surprise,
Levant des yeux curieux vers ce monde nouveau

Dont il se demandait s'il était vraiment beau

Puis prit la direction de l'université
En cherchant l'immeuble où il devait résider.



Désormais, elles sont bien toutes sa richesse,
Témoins précieux mais aussi source de tristesse,
Désormais, il est si seul, loin de son enfant,
De tous ses chers amis envoyés dans les camps,
Lui qui a refusé l’insupportable sort
D’être voué à la prison et à la mort.



Devant moi, trône la splendide mosquée bleue
Et ses minarets qui se dressent dans les cieux.
Les images s’entrechoquent, les rues bruyantes,
Istanbul, sa Corne d’or... ville si vivante.
Me voilà parvenu au bout de mon chemin

Et là va désormais se jouer mon destin.
 

Ici, en ce lieu retiré, lieu de quiétude
Où renaît en moi comme un goût de certitude,
Il me faut chercher dans la trame de l’Histoire
Tout ce qui constitue les ferments de l’espoir,
Ceux qui sont vraiment la base de la pensée
Et structurent les projets d'une société.



Ô mes très chers aïeux, reviendrai-je un jour
Me promener serein dans les rues de Marbourg,
Cette tragédie pourrait-elle s'oublier
Et son souvenir à tout jamais s'effacer ?

 


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18/03/2023 >>
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