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Site Univers littéraire

6 novembre 2018

Site Poètes et Poésies

Site Poètes et Poésies
Poésies classiques* Un tabeau de Monet -- * Canicule -- Rencontres... -- Je ne sais... -- Résonance (Clavel) -- * Le muret -- Le muret II -- Passent les mondes... -- Tenir la cadence -- * Pas sérieux mon cher Rimbaud -- Automne en Revermont -- * La vie...
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10 mars 2024

Que dire après ça ?

« Tu n’es plus où tu étais mais tu es partout où je suis. » Victor Hugo

Que dire après ça ? Cette prose
Qui m’émeut dit si bien les choses,
C’est comme une terrible absence
Qui s’impose et devient présence.


Paradoxe qui ne change rien
De la suite, de ce qu’il advint,
De tous les regrets inexprimés
d’avoir laisser filer les années,


Quand court cette pensée indicible
Faite de souvenirs si sensibles
Qui peut nous paraître si banale
Et pourtant banalement fatale.


Oh, à mesure que le temps passe,
Je me sens le cœur à marée basse
Quand se profile, temps névralgique,
Aux frimas, la date fatidique.


Car rien ne peut empêcher les pleurs
Non, pas même la beauté des fleurs.

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<< Christian Broussas • Après ça © CJB • 10/03/ 2024
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18 décembre 2023

Le temps s'enfuit

 

Ô, le temps peu à peu s’étire
Insensiblement, se délite
Comme une blessure lointaine,
L’érosion d’une pénéplaine.

Le temps de la sidération
Et des doutes, des pourquoi lui
Nous assaille avant l’affliction
D'un jadis qui fuit et nous fuit,

Vient alors celui des questions
Qu'on a souvent évacuées,
Qu'on n’ose guère se poser
Et qui reviennent à foison,

Vient un temps de libération
Lorsque l’on a tout traversé,
Quand alors on a épuisé
Toutes les autres solutions.

Oui, c’est toujours bien trop tôt
Et l'on est au-delà des mots.

Les images s'impriment encore,
Présentes au-delà de la mort,
Oh, regarde, c’est ton héros,

C’est bien lui, là, sur la photo !

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<< Christian Broussas • Temps s'enfuit IV
© CJB  ° 18/12/2023 >>
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5 décembre 2023

Réparties d'Ivars

 
                                                      Éric Ivars
1- Drôle de cycliste

- Je dis pas que t’es bourré, je dis que tu ne peux pas rentrer chez toi à vélo d’appartement.
2- Speed dating… aveu
- Je suis jalouse, possessive, j’ai un mauvais caractère, je m’énerve pour un rien, je me vexe souvent, je ne suis pas patiente, en fait… je suis chiante.
3-  Jeu de mots, ah, ah
- Ce premier rendez-vous était génial, j’aimerais voir la maison où t’habites.
- Euh, comme tu voudras mais je vais d’abord te montrer la maison !
4- Amnésie
[Ils se sont rencontrés la veille et se réveillent le matin tous les deux au lit ]
- Ma chérie, je peux te demander un truc ?
 - Bien sûr mon cœur.
 - Promis, tu ne t’énerves pas.
 - Promis, juré.
  - Heu… C’est quoi déjà ton prénom ?   
5- Quelle question
- T’as couché avec combien d’hommes avant moi ?
- Euh, avec toi, ça fait quatre.
- Ah, j’aurais pensé plus…

- Oh, ça a été une petite journée aujourd’hui.

         

6- Performance
- Un jour, j’ai fait l’amour pendant une heure et deux minutes.
- C’était le jour du changement d’heure !
7- Jour de fête
- Allez, aujourd’hui, c’est la journée de la femme, tu peux tout me demander, dis-moi ce qui te ferait plaisir.
- Dormir…
8- Rien ne va plus (Deux copines qui discutent)
- Je vais le quitter, je crois qu’il m’a trompée.
- En es-tu sûre ?
- Et en plus, il est nul au lit.
- Non, je ne trouve pas.
9- C’est bien vrai, ça !
- Les choses les plus plaisantes dans la vie te rendent grosse, saoule ou enceinte.
- Ah oui, malheureusement c’est pas faux.
10- Tu rêves !
Lui : Mon rêve serait de t’embrasser sous la pluie. Et toi ?
Elle : Que surtout, il ne pleuve jamais.
11- Et si tu n’existais pas
Elle : Je ne te déteste pas, c’est juste que je ne suis pas vraiment ravie que tu existes.
Lui : ???
12- Le bon choix
Lui : Dans la vie, il faut choisir entre gagner de l’argent et le dépenser.
Elle (avec des paquets plein les mains) : Personnellement, je n’ai pas le temps de faire les deux.

             

13- Précision
- Durant ces 50 dernières années, tu n’as fait qu’à me reprendre dans tous mes propos.
- Ah non, 51 ans exactement !   
14- Du tact
Lui (à sa femme) : Tu as l’air de bonne humeur ce matin. Tu ne t’es pas encore pesée, c’est ça ?
15- Régime
- C’est décidé, à partie d’aujourd’hui, j’évite tout ce qui fait grossir : miroir, balance, photos…
16- C’est ce qu’on dit (deux amies)
- Un de perdu, dix de retrouvés.
- Ça ne marche que pour les kilos, ça !
17- Camping-car
Lui : Quand on s’engueule, tu ne te mets jamais en colère après. Comment fais-tu ?
Elle : Je m’en vais et je récure la cuvette des toilettes du camping-car.
Lui : Je n’vois pas comment ça peut d’aider.
Elle : J’utilise ta brosse à dent…
18- Vertige
Elle : Je n’aimerais pas être dans ta tête.
Lui : Et pourquoi donc ?
Elle : Parce que j’ai trop peur du vide.
19- Ça va chauffer (Deux amis)
- Alors, ça va mieux avec ta femme ? Je vous ai vus couper du bois pour l’hiver ensemble dimanche.
- Ce n’était pas pour la cheminée, on partageait les meubles.
20- Humour noir
- Hier, mon ex m’a demandé ce que j’aimerais faire le plus avec son corps… Apparemment, l’identifier à la morgue n’était pas la bonne réponse !
21-Humour rose
- Alors, ton bébé, comment va-t-il ?
-Oh, il marche depuis plusieurs mois déjà.
- Hé Bé, il doit être loin maintenant.
22- C’est pas beau
- Si une fille dit que tu es moche, c’est de la jalousie. Si un mec dit que tu es moche, c’est de la méchanceté mais si un gamin dit que tu es moche, c’est que tu es vraiment moche !
23- C’est moche
- Surtout ne laisse jamais personne dire que tu es moche. Ne laisse personne te le dire… surtout si c’est vrai.
24- Erreur
- Oh, il est très moche ce gamin.
- C’est mon fils, madame
- Ah, désolé, excusez-moi, je ne savais pas que voue étiez son père.
- Mais non, je suis sa mère !
25- Jeu de hasard
- J’aimerais gagner au loto rien que pour savoir combien exactement j’ai de cousins, cousines et parents éloignés.

             

26- Cordon bleu
-Un ami m’a conseillé du fumier de cheval pour mes fraises mais je vais continuer avec du sucre car je n’ai pas vraiment aimé le goût…
27- Au restaurant
- Quand changez-vous donc les nappes de vos tables ici, demande une cliente. Elles sont très sales.
- Je ne sais pas, madame, je ne suis ici que depuis un an.
28- Le 69
- Papa, c’est quoi le 69 ?
- C’est quand une dame et un monsieur se font en même temps des bisous sur le zizi.
- Ah, je parlais seulement du département.
29- Papa ! (un hippie)
- Papa, ça veut dire quoi immature ?
- Un mot que les personnes chiantes utilisent pour parler de personnes drôles.
30- Maman !
- Maman, tu voulais un garçon ou une fille ?
- Je voulais un massage.
31- Oups
La fille : Maman, elle fait quoi la cigogne après avoir livré le bébé ?
La mère (regardant en coin son mari) : Elle se vautre dans le canapé, regarde la télé, s’enfile des bières…
32- Héréditaire
- Papa, quand je suis venu au monde, qui m’a donné mon intelligence ?
- C’est sûrement ta mère fiston, car moi j’ai encore la mienne.
33- Tes dessins
- J’ai demandé à mon fils ce qu’il préférait à l’école et il m’a répondu « mater des seins… » J’ai mis un moment à comprendre !
34- Avis de recherche (en prison)
- Tu es tombé pour quelle raison, toi ?
- J’ai liké mon avis de recherche sur Facebook.
35- Au feu
Pendant l’incendie de son immeuble, un homme est évacué par les pompiers et sur la civière, son téléphone sonne : « Ah zut, si ça se trouve, c’est la valise RTL ! »
36- Spécialiste
Ceux qui trouvent les meilleurs coins à champignons, ça reste quand même les gynécologues !

                  

37- Mort de rire
- Quand on est mort, on ne sait pas qu’on est mort, c’est pour les autres que c’est difficile.
- Quand on est con, c’est pareil.
38- Cultivé
- Dans la vie, il a deux types de personnes : ceux qui sachent et ceux qui croient sachoir.
39- Tel père tel fils
- Papa, c’est où le col du fémur ?
- Le père : Si tu bossais mieux ta géographie, tu le saurais !
- La mère : Ah ce qu’il est con ce gosse.
40- Connerie
- Ça me rassure quand on m’appelle « l’autre con », ça veut au moins dire que je ne suis pas seul.
41- Philosophie
- Pour avoir une idée de l’infiniment grand, pensez à la connerie humaine.
42- Question de logique
- J’aimerais bien être d’accord avec toi mais nous serions deux à avoir tord.
43- C’est la crise
- Je ne mange plus de viande, je me déplace à vélo et je ne bois que de l’eau.
- Quoi ! Tu as viré écolo maintenant !
- Non pas du tout, je suis simplement devenu pauvre.
44- À tord ou à raison
- Ma femme et moi, on ne s'engueule jamais. Si on n'est pas d'accord et que j'ai raison, ma femme acquiesce et accepte mon point de vue.
- Mais si c'est elle qui a raison ?
- Bah, ça n'est encore jamais arrivé.
45- Le psy
- Le psy : Qu'est-ce qui vous arrive, dites-moi ?
- Le patient : Je me prends pour un chien.
- Le psy : On va en parler : allongez-vous sur le divan.
- Le patient : Ah non, ça je n'ai pas le droit !
46- Alzheimer
- Comment s'appelle-t-il déjà ce bel allemand qui me fait perdre la tête ?
- Alzheimer, maman, Alzheimer !
47- Confiance
- Du calme Charles, c'est juste une petite opération, ne panique pas.
- Mais docteur, je ne m'appelle pas Charles !
- Je sais : Charles, c'est moi.
48- C'est triste
- Docteur, je crois qu'il est mort...
- Mais Cindy, ce n'est qu'un mannequin.
- Peu importe son métier, c'est quand même triste...
49- L'écologie pour les nuls
- Dis papa, c'est quoi de la viande bio ?
- Ben, c'est des animaux qui poussent dans la terre, débile !
50- Dentition
- Qu'est-ce qui est le plus difficile pour un boxeur ?
- C'est d'essayer de ramasser ses dents avec des gants.
51- Mort ou vif
- Lui : Si tu devais passer la nuit avec un homme célèbre (vivant ou mort), lequel choisirais-tu ?
- Elle : Ah, le vivant bien sûr !


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<< Ch.Broussas Réparties Ivars
05/12/2023 >>
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3 décembre 2023

Le calendrier de l'Avent

Cette tradition liée à Noël a été comme beaucoup d'autres coutumes de ce genre, récupérée par le système commercial, largement "marchandisé", si bien que l'on arrive à perdre son fondement, les raisons qui ont présidé à son instauration. C'était au départ une tradition allemande destinée à faire prendre patience aux enfants qui attendaient Noël et ses cadeaux bien avant la date fatidique du 25 décembre; 
Le calendrier de l'Avent était à l'origine un moyen pour apprendre aux enfants la patience.

         


Elle rejoint ainsi l'attente des chrétiens pendant la période de l'Avent dans la nuit de Noël. Le calendrier lui-même provient vraisemblablement d'Allemagne, au cours du XIXe siècle où la coutume voulait qu'on donnât chaque matin aux enfants des images pieuses dans la période des 25 jours précédant le jour de Noël.

              

La récupération commerciale date de 1908 quand un éditeur munichois Gerherd Lang, propose un calendrier composé de petits dessins colorés reliés à un support en carton. Le premier calendrier de l'Avent avec des petites portes ou fenêtres à ouvrir paraît en 1920. Dès lors, les représentations vont se diversifier : par exemple, composées  de blocs détachables à colorier, d'une échelle pour monter au ciel avec un ange qui gravissait chaque jour une marche. Parallèlement, le calendrier religieux régresse par rapport à ce genre de calendrier plus attrayant.

                   
Couronne de l'avent        Kepler, calendrier de l’avent 1903      Miniature du 14e siècle

Il faut attendre beaucoup plus tard, vers 1958, pour que soient fabriquées les premières surprises en chocolat cachées par une fenêtre et destinées à être croquées jour après jour. Depuis les années 2000, cette pratique a été étendue aux adultes, en remplaçant parfois le chocolat par d'autres produits, même non alimentaires.

            
Saint-Perpet de Tours            Concile de Mâcon

L'Avent

Le mot  "avent", emprunté au latin adventus, désigne la naissance du Christ et par catachrèse, une période, un temps liturgique avant Noël. Sa célébration date du Ve siècle quand l'évêque Perpet de Tours ordonne qu’à partir de la fête de Saint-Martin le 11 novembre et jusqu’à Noël, on jeûne trois fois par semaine, rappelant le carême de Pâques. (40 jours à l'exception des dimanches)

Cette décision sera étendue en 581 par le premier concile de Mâcon et la France va alors observer ce jeûne chaque semaine depuis la Saint-Martin jusqu’à Noël. Les offices vont alors se dérouler selon le même rite que pendant le carême. Cette pratique va se perdre peu à peu et en particulier l'église catholique n'observe plus ni jeûne ni abstinence pendant l'Avent.

          
Calendrier de l'Avent, quelques exemples


Voir aussi
* La fête de l'épiphanie -- La fête des mères --
La Toussaint -- Saint Valentin --

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<< Ch.Broussas L'Avent
03/12/2023 >>
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28 novembre 2023

Si longtemps déjà

  
Il y a déjà bien longtemps

Mais c’est ainsi, le temps est le temps,
Ô non, vous ne pouvez pas savoir…
Bien sûr, ceci est mon histoire,
Qui pourrait sembler si personnelle
Et fut en tout cas pour nous si belle.

Dans une lointaine banlieue,
Un coin pas vraiment béni des dieux,
Sans les attraits d'une belle ville,
-Oh, dieu que le temps est servile-
On ne sait pas trop comment est née
Cette fabuleuse amitié.

Il n’y a rien à en dire, rien
Pouvez-vous penser, gens de bien
De cette amitié mutilée
Et qui s’est bien trop vite arrêtée,
Mais n’en est-il pas toujours ainsi
Toujours, gens d’ailleurs et gens d’ici.

J’ai dans la tête un bruit récurrent
Qui me vrille parfois les tympans,
Du grand fracas de tôle froissée,
Solde d’une terrible journée,
Fossoyeur de tant de souvenirs
Disparus avant de se ternir.



Des souvenirs perdus, retrouvés
Et qui s’éloignent de mes pensées,
Autant de trous noirs qui m’exaspèrent
Et brouillent tous mes points de repère.
Oui, je m’en veux, remords de l’oubli, 
Tout me lasse, m’éloigne de lui.
Oui, Il y a déjà fort longtemps
Et c’était dit-on un autre temps.

Si un jour son ombre s’étendait,
Couvrant nos souvenirs imparfaits,
Que reconnaitrait-il ici-bas,
Que penserait-il de tout cela ?
Peut-être, me reconnaîtrait-il
Quelque part dans cette grande ville,
Dans cette expression qui le frappe,
Trahie par la larme qui m’échappe ?

Nous étions alors presque des enfants,
En ces temps, c’était très différent,
Vraiment mieux ou pire, je ne sais,
Le passé est très souvent surfait. 

C’était il y a bien trop longtemps,
Nous avions à peine vingt ans.

À Constantin…

      

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<< Ch.Broussas Constantin
28/11/2023 >>
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27 novembre 2023

La disparition du Père Noël

Peu avant Noël, quelque part du côté de Rovaniemi en Finlande. -

                

Le Père Noël et ses rennes
Cette année-là, le Père Noël eut du mal à se mettre en train. Pensez donc, toute une année à se prélasser dans son repère de Rovaniemi dans la Laponie finlandaise. Il se sentait un peu comme un enfant qui reprendrait l'école après les grandes vacances.

      

D'autant plus qu'il commençait à se faire vieux, oui bien vieux. Quel âge avait-il ? Lui-même ne savait plus très bien. Enfin, c'est ce qu'il laissait entendre... On disait en souriant qu'il était né avec sa longue barbe blanche, qu'il n'avait jamais été jeune; en tout cas que Mathusalem faisait figure d'ado à côté de lui. Mais ne le lui répétez pas, il serait capable de se mettre en colère.
Il est des sujets sur lesquels il ne plaisante pas !

              
La maison du Père Noël en Laponie                     Tornade prête pour le départ

Il s'était un peu empâté et ses quatre rennes fétiches, les plus véloces, Tornade , Danseuse, Furie et Éclair, avaient fait aussi quelques écarts de régime, même s'ils gambadaient volontiers dans l'immense taïga lapone. Bref, il fallait d'urgence reprendre l'entraînement pour être en forme avant la date fatidique. « Allez, allez, debout, le temps presse grognait-il, plus question de lambiner, de se prélasser et de batifoler par monts et par vaux. » Ça ruait dans les brancards, ça bougonnait bien un peu mais tout rentrerait bientôt dans l'ordre.

           
Danseuse qui se prépare                          Éclair bien harnachée

- Ah, il s'est levé du pied gauche on dirait, maugréait Danseuse, la plus rétive, capable aussi d'imposer aux autres un train d'enfer.
- Pensez donc plutôt à tous ces enfants qui comptent sur nous, ces parents qui tremblent à l'idée de la peine infligée à leurs enfants en cas de retard. Et ma réputation... je ne vous en parle même pas !

   Furie en plein travail

- Voudrais-tu nous culpabiliser, s'exclama Tornade et Furie, furieuse, le traita de vieux ronchon, ajoutant « Ah, pas étonnant qu’il ait si peu d'amis. » Les trois autres riaient sous cape, sûres de l'effet produit sur un Père Noël qui manqua s'étrangler en entendant de tels propos.

            
Un départ en fanfare                             Aurores boréales à Rovaniemi

Un voyage mouvementé
Le premier voyage qu'ils effectuèrent fut vraiment épique. Au début, tout se passa sans problème, le Père Noël d'excellente humeur et les rennes plus motivées que jamais. Le traîneau avançait à vive allure dans le ciel scandinave quand le Père Noël vit se profiler à l'horizon de superbes aurores boréales effilant un vert émeraude moiré du meilleur effet. Elles semblaient flotter dans un halo lumineux qui déchirait un ciel d'un bleu profond constellé d'étoiles.

Le Père Noël, fasciné par ce spectacle fabuleux, ne prêta guère attention à une espèce d'engin spatial qui se confondait avec les aurores boréales avant de s'en détacher et de se diriger vers  le traîneau. « C'est curieux » se dit-il, sans y attacher plus d'importance. Le vaisseau semblait planer sur l'air comme porté par les courants atmosphériques, son fuselage se coulant dans les flux célestes à grande vitesse.  Il s'aperçut que deux autres vaisseaux plus petits encadraient désormais l'engin volant.

               
Norman Rockwell décembre 1913               Le Père Noël en soucoupe volante


Soudain, des lasers croisés fusèrent droit sur le traîneau, éblouirent le conducteur et effrayèrent les rennes. « Que se passe-t-il donc aujourd'hui ? », s'inquiéta-t-il. « Tout ça me paraît de plus en plus bizarre ! »

Après quelques brefs instants de stupeur, les rennes tout tremblants, incrédules, ralentirent, s'exclamant : « Oh miséricorde, ces disques lumineux nous foncent dessus. Ce n'est pas possible ! » Et le Père Noël d'ajouter : « Ah mon dieu, ai-je la berlue, on dirait des soucoupes volantes ! »

              

Pour une fois, tous s'accordèrent sur l'étrangeté de la situation, ces engins non identifiés qui n'avaient pas trop l'air d'amis. Ils voulaient croire à une vision de l'esprit, un mirage comme il s'en produit parfois quand on se perd dans un désert.  Mais cette fois, le mirage était bien réel, et ce d'autant plus que les deux petits vaisseaux les cernèrent, obligeant le Père Noël à les suivre en quittant son itinéraire.

Depuis, plus rien sur les radars. Le traîneau, les rennes, les jouets, le Père Noël, tout avait disparu, envolé, évaporé dans l'univers sidéral. Absorbé par l'attraction terrestre. Inutile d'ajouter que ce fut un beau tollé dans tous les recoins de la planète. Pensez : On avait kidnappé le Père Noël... et dérobé tous les jouets. Aussitôt, on pensa à une manœuvre de certains fabricants de jouets pour contrer l'hégémonie chinoise... et même pire encore. Quantité d'hypothèses, même les plus farfelues, fleurirent ici ou là pour expliquer ce mystère mais, à la réflexion, aucune ne parut vraiment vraisemblable. On se perdait en conjectures.

               

Les experts interrogés étaient bien embêtés : ils n'avaient rien de plausible à proposer. Rien que des hypothèses qui ne convainquirent personne. L'affaire, le mystère de Noël comme on l'appela très vite, fit couler beaucoup d'encre... et beaucoup de larmes chez les enfants qui se voyaient déjà privés de leurs cadeaux.

                

Et le Père Noël... Son univers s'écroulait. Il devait être dans un état. Après les démêlés avec ses rennes, le voilà maintenant confronté à des petits hommes verts. Qui le croirait ? Il serait la risée de tout le monde. De ce qui se passa alors entre le Père Noël et les Martiens, rien ne fusa. Un véritable secret d'État. Même les médias martiens, pourtant d'ordinaire aussi bavards que les médias terriens, n'en soufflèrent mot. 

Les unes des journaux s'en donnèrent à cœur joie : « Détournement de Père Noël  » « Le Père Noël joue les filles de l'air, » les journalistes s'en donnaient à cœur joie, glosant sur l'impéritie des organisations internationales qui étaient elles aussi très gênées. Les fêtes de Noël approchant à grands pas, des manifestations éclatèrent un peu partout, petits et grands criant à tue-tête dans les cortèges : « Rendez-nous le Père Noël, Rendez-nous le Père Noël ! »

Puis un nouveau coup de théâtre éclata : le Père Noël réapparut... Oui, revenu comme il avait disparu et comme s'il ne s'était rien passé. Oh, personne alors ne chercha vraiment à comprendre, se raccrochant à de possibles dérèglements électriques de l'atmosphère qui auraient influer sur la trajectoire du traîneau qui se serait momentanément égaré dans l'espace. Et chacun s'en satisfit.

Le Père Noël était dans un tel état de fureur qu'on évita de l'indisposer davantage. Quant à interroger les rennes... Les bruits médiatiques retombèrent comme un soufflé, submergés par l'actualité.

      
Et ça vous fait rire !                    Kiffez mon look !            Vous me reconnaissez ?

On croit savoir -mais je vous dis ça sous le sceau du secret le plus absolu-  qu'en fait les martiens auraient voulu échanger son antique traîneau contre une soucoupe volante. « Avec ce super engin interstellaire, lui aurait dit le président de la république martienne, vous gagneriez un temps fou dans vos livraisons, plus besoin de planning serré, de stress de retards et de rennes. »
"Ah, pas question de me passer de mes rennes", même s'il confessait en aparté qu'elles étaient fort rebelles et pour tout dire, parfois très pénibles.
Seulement voilà, il est classé monument historique (le traîneau, pas le Père Noël... quoique...), bien inaliénable de l'humanité et le Père Noël ne voulut pas en entendre parler. Aussi, les martiens le renvoyèrent sans ménagement.

En tout cas, en le propulsant dans les feux de l'actualité,  plus personne ne pourrait soutenir que le Père noël n'existe pas et que sous sa belle barbe fleurie patriarcale se cache la face patibulaire d'un imposteur. Et bien sûr, tous les enfants en sont témoins !

   

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<<< Christian. Broussas •Père Noël ennuis
. © CJB  ° 30/11/2023   >>>
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3 novembre 2023

Fermer les yeux

 

Viens, détends-toi bien, ferme les yeux
Sans nervosité, fais pour le mieux
Et le temps très lentement s'écoule,
laisses-toi vraiment aller... c'est cool. 


Ça plane, ferme encore les yeux,
Les images passent dans un jeu
De lumière, plus rien n'est réel
Et plus rien ne paraît rationnel.

Sans arrêt, on nous dit qu'il faut faire,
Savoir, faire-savoir, savoir faire,
Ça m'étourdit, brouille mes idées
Et m'empêche de m'abandonner.

Se laisser aller, fermer les yeux
C'est se laisser porter jusqu'aux cieux,
Quand on n'a plus rien d'autre à faire
Que de se laisser porter par l'air.

 

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<< Ch.Broussas Fermer les yeux
03/11/2023 >>
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3 novembre 2023

Mon père disait…

      
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« Plus le bouc est laid et plus la chèvre l'aime. » disait mon père
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C’était hier pour moi, mais le choc des époques éclate le temps en particules impondérables et l’effiloche en lambeaux. Pourtant, cette histoire là, son histoire, je pourrais l’avoir vécue tant elle me semble proche dans la réfraction du temps mais à l'époque, j'étais jeune, je voyais les choses autrement. Une époque lointaine, sans grande consistance où je ne me sentais pas vraiment concerné par des événements qui allaient pourtant quelque part impacter ma vie.
Le temps est élastique, rétréci, étiré selon les circonstances.

Mon père n'est plus là pour qu'on puisse poursuivre ce long colloque en pointillés dont j'attendais qu'il me donne des clés pour comprendre... Comprendre quoi, finalement ? Sans doute, plus ou moins consciemment, qu'il me fasse partager le résultat de son expérience. Je pensais qu'il avait les clés pour m'expliquer, une référence en tant qu'homme d'expérience. Savoir sans avoir vécu.  Pouvoir faire cette économie. Illusion bien sûr. Peser à l'aune de son vécu l'intrusion d'événements extérieurs dans sa propre vie me semblait le privilège de ceux qui savaient.

Confusément, j'avais peur d'être incapable de faire face à ce qui n'était qu'un fantasme, une invention de mon esprit imaginatif. Comme intégrer ou me laisser piéger par quelque chose qui viendrait bouleverser ma vie ?
En fait, la réponse était simple. Même s'il faut toujours simplifier la réalité pour trouver des réponses.

Ces événements marquants portaient un nom : la guerre. Chez lui, c'était devenu un repoussoir, une peur à répétition chaque fois qu'une crise éclatait quelque part sans qu'on puisse en mesurer les conséquences. Un crash quelque part et pan, c'était reparti; il craignait une nouvelle guerre en projetant ses souvenirs dans les guerres passées... On va encore se battre pour les Sudètes ou pour Dantzig ou pour les beaux yeux du tsar. « N'oubliez pas, n'oubliez pas, disait-il, on est toujours les dindons de la farce, comme toujours, c'est le peuple qui paie les pots cassés. Le peuple en ressort encore plus pauvre ! »

Il me fallut d'autres contacts pour cerner cette peur diffuse que lui renvoyait le passé, autant son vécu que l'histoire de sa famille. Tout ce qu'il avait accumulé, grappillé ici ou là, les remarques, quelques mots jetées dans une conversation, une remarque jetée dans une conversation, une querelle où des non-dits émergents. Même parfois un geste, une mimique qui en disent long, même s'ils sont difficiles à interpréter.

« Tout ressort un jour ou l'autre. C'est comme un corps étranger, me disait mon oncle Naine. C'est ainsi, comme le glacier qui longtemps après, recrache les corps étrangers qu'il a engloutis. Oui, il faut que ça ressorte un jour au l'autre. »

Même si je ne comprenais pas, certaines réminiscences, certains éléments me sont restés. Pour mon père, les marqueurs chronologiques n'étaient pas tant naissances, mariages ou décès dans la famille que des références à la guerre. Il en parlait peu et je sentais ses réticences, je craignais ses silences. Personne n'en faisait cas, tout était normal. Les gens n'aiment pas évoquer leurs expériences malheureuses surtout s'ils se sentent chanceux, rescapés.

Ce poids indicible était pourtant là, enfoui, qui surgissait parfois au détour d'une phrase, d'une remarque. « Ah Gaby, il aurait préféré une fille, "au moins elle ne partira pas à la guerre" » disait-il parfois. Qu'est-ce qu'on y pouvait finalement, espèce d'inéluctable qui surgissait tout à coup au détour d'une discussion.

À force, je connaissais la musique, son père et la Grande guerre, réformé après avoir été gazé quelque part du côté de Verdun, son grand-père mobilisé en 1870 pour aller guerroyer avec ses voisins prussiens quelque part en Alsace. À chaque génération SA guerre, la voilà la belle malédiction toujours vrillée dans les esprits. Sans compter deux grands oncles dont on savait peu de choses, sinon par des lettres traversant les générations, qui évoquaient leurs pérégrinations européennes sous les Premier Empire. Marqueurs familiaux, toujours présents, jamais nommés, ceux qui avaient fait basculer le sort de nos aïeux.

Il aurait fallu bien sûr une intimité dont on était par ailleurs diserts, parfois des moments entre parenthèses qu'on évitait -ô les techniques d'évitement !- qui auraient permis d'être plus naturels, plus spontanés face aux tâtonnements prévisibles, plus réceptifs dans leur manière d'être. Une retenue, une pudeur, des réticences à aller plus loin que voulu.

Mon père redoutait sans doute aussi que je prenne ses propos comme autant de justifications. Lui- même -il me l'a avoué- ne se souvenait pas très bien pourquoi il avait pris telle décision ou agi de telle façon.

Pas moyen de reconstituer une scène, des séquences qui lui échappaient encore plus maintenant. Des pièces disparues... comme une espèce d'anachronisme.

Entre nous, c'était un accord tacite, quelque chose d'implicite : le plus souvent, il se confiait, déroulait ses souvenirs fracturés, ses pensées que lui inspiraient le passé ou l'actualité et moi j'écoutais en prenant soin de ne pas l'interrompre. Respecter sa parole, respecter ses silences, malgré une pensée parfois sinueuse.

Ah, comment, comment se fait-il, me dira-t-il beaucoup plus tard, un tel fossé entre mon enfance et maintenant. Avant, tout avait beau changer ici ou ailleurs, les guerres, les petites, les grandes et les autres, les événements grands et petits, peu de choses bougeait finalement, chacun suivait son quotidien, on travaillait, on cultivait, on vivait comme vivaient nos aïeux dans cette permanence de la France profonde... ni mieux ni plus mal la plupart du temps. Et maintenant...maintenant ajouta-t-il en secouant la tête avec une petite moue que je connaissais bien.
Après quelque secondes, il reprit : Oui, maintenant, c'est comme partout, l'impermanence domine tout, même la campagne la plus reculée... tout s'agite, tout s'accélère.

Grande tirade pou lui. Mais ce fut tout, il secoua la tête pour dire que c'était ainsi, que l'Histoire parvenait toujours à nous rattraper et il alluma une cigarette.

Le jardin, c'était souvent nous deux, seuls, un lieu préservé qui s'était imposé peu à peu. On s'occupait, il bichonnait ses légumes, ses arbres fruitiers, je lui passais les outils, j'allais remplir des arrosoirs que je posais à ses pieds, gestes machinaux qui permettaient des coupures, de penser à ce qui  venait d'être dit, de s'approprier les paroles de l'autre.

Il s'arrêtait parfois, plantait la bêche, posait le sécateur et regardait au loin comme s'il réfléchissait, se concentrait pour me répondre, murmurant parfois quelques mots inaudibles comme s'il se parlait à lui-même. Bouts de réflexion désabusés qui rarement prenaient forme : « Dieu, s'il existe, a mieux réussi les fleurs et les arbres que les êtres humains. »
Des moments hors du temps.

Des générations qui, comme la sienne, avaient en quelque sorte intériorisé la guerre, intégrée dans leur mentalité comme une donnée incontournable,  une ligne obligatoire dans un bilan.

« Mon père : il a su être généreux au point de me laisser être moi-même. » Hélène Grimaud

       ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~Document utilisé pour la rédaction de l’article~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Années trente. Pour mon père, l’histoire s’accélérait, les événements s'entrechoquaient sans qu'on n'y pût rien. L'impression diffuse que sa vie lui échappait. Peut-être que l'effet de recul fera le tri dans les fracas d'une époque qui inquiétait tout le monde. Et mon père aussi, évidemment.  Il me disait que "le temps érode les aspérités de l’histoire, que le factuel masque l’essentiel." Comme une myopie. Même approche plus tard de son expérience de la guerre, cet effet loupe qui n'éclaire qu'un faible espace de l'ensemble. C'est, me disait-il, " Fabrice del Dongo à Waterloo, ne voyant de la morne plaine qu’une mêlée informe pleine des bruits de la bataille et de la fureur des combats."

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Mon père était le produit d'un exode rural qui avait épuisé la campagne depuis un siècle, la vidant  de sa population comme le fera la Grande Guerre.

Sitôt le certificat d'études dans la poche, le voilà débarquant de sa campagne limousine, sans trop de goût pour une ville comme Lyon où il se perdait parfois au début dans le dédale des rues, où s’étaient dissipé ses repères et les bonnes odeurs des matins frais de la fenaison et des étés ombreux à l’abri des frondaisons après la moisson. La vie "au plus près", dans une communauté liée par les obligations, les mécanismes d'interdépendance. 

Sa secrète nostalgie éclatait en autant d’images rassurantes qui le renvoyaient à sa vie, aux bons moments qui le laissaient rêveur. Mais quoi faire, rester à Sainte-Anne était impossible, il le savait for bien, on le lui avait assez répété. Mais tout ça fut de courte durée, le temps de s'adapter à sa nouvelle vie. Son bon tempérament lui permettait de prendre les choses avec philosophie, de se faire une petite place dans cette famille qu'il connaissait si peu. Il lui fallait se frayer un chemin dans cette ville et dans cette famille où il cherchait de nouveaux repères.

Il s'entendait bien avec tout le monde, n'ayant alors d'idées sur rien, se mêlant peu à la conversation.
- Hé Gaby, que penses-tu de la situation actuelle ? lui demandait son oncle Jean en levant à peine le nez de son journal.

Il n'en pensait rien, ne sachant pas même ce qu'était censé faire un gouvernement ou qui était Président du conseil.
- Ne t'en fais pas, le rassurait Jean, On vit des temps un peu bizarres. A peine sortis de la Grande Guerre, on recommence comme avant 14,
rien ne fonctionne car on ne fait que se chamailler entre la Gauche et la Droite, le Centre écartelé,

-Ah Gaby, vas donc me remplir le seau à charbon.
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Sans grande curiosité pour la ville grouillante, il se cantonnait dans le quartier où sa famille s’était fixée avant lui, sans qu’on sût pourquoi ici, aux confins de Lyon et de Villeurbanne, plutôt que dans la Presqu’île ou sur les pentes de la Croix-Rousse. C’était ainsi, le premier venu s’installait là plutôt qu’ailleurs sans raison apparente, comme un renard choisit son gîte ou un rapace son aire. Par instinct.

« Ici plutôt qu’ailleurs… » me disait mon père avec une petite moue qui marquait son impuissance d’alors. Les points de suspension autant que sa petite moue signifiaient que ça n’avait guère d’importance, qu’il n’avait pas comme Danton emporté la boue de son Limousin collée à la semelle de ses chaussures, qu’on naît par hasard quelque part dans ce vaste monde et qu’on n’y peut rien. Ceux que la chance favorise naissent dans une riche contrée, dans un milieu opulent, d’autres naissent nulle part, dans des lieux sans passé et sans avenir, « c’est comme ça, certains s’en sortent, des oiseaux rares qu’on brandit, qu’on donne en exemples comme un miroir aux alouettes. »

Il voulait dire que les plus opiniâtres parmi les moins vernis n’ont de cesse de fuir la condition qu’ils ont connue dans leur jeunesse. Il y en a plein le quartier de ces gosses qui croient un moment en leur étoile, qui vivent d’illusions. Tout jeune, il sut que l’homme grouille d’émotions, toujours tiraillé entre des aspirations contradictoires, pleins de velléités bien vite avortées, qu’on ne se réalise pas impunément.

J’états trop jeune pour lui poser des questions sur ce fameux hasard qui faisait et défaisait les destins, qui tirait les ficelles de pauvres pantins ballotés par la vie. J’avais beaucoup trop de questions dans mon escarcelle pour ce père qui suivait simplement un chemin incertain, qu’il traçait en tout cas avec grande difficulté. Ce qu’il appelait dans son jargon « sa géométrie de la vie », par dérision sans doute pour exprimer son admiration pour ces lignes parallèles, ces lignes droites qui  ou qui se croisent comme se croisent les destins.

Une expression d’autant plus sibylline pour moi que je n’osais lui en demander le sens mais dont je goûtais toute la poésie. Il eut été fort surpris si je lui avais dit que je voyais de la poésie dans l’idée de géométrie. Bien que je n’en fusse dans le fond pas très convaincu, je me demande parfois quand même si j’ai toujours privilégié les formes géométriques aux formes plus improbables.
[si « cette géographie de la vie » n’a pas marqué mon souci de donner une forme aux événements et aux situations, de les formater pour leur donner un sens.

Des riches, je n’en avais jamais vu dans ce quartier d’ouvriers qui s’étaient installé tant bien que mal autour des usines qui avaient peu à peu dans l’entre-deux-guerres configuré le quartier, lui avaient donné une forme qui a disparu depuis. Les riches, j’en avais bien entendu parler dans des revues que lisait parfois ma mère, bien que ce ne fût guère son genre, que sa sœur lui refilait , mais  je n’en avais jamais vus. Il ne devait pas y en avoir dans le quartier.

Mon père m’emmenait parfois, par très souvent, il n’avait pas la fibre pédago, on allait jusqu’au jardin ouvrier qu’il cultivait à La Ferrandière, on se baladait dans le quartier et il me parlait de sa configuration, de son évolution récente. « Regarde un peu, on dirait que les usines et les immeubles sont mélangés, sans aucune logique véritable, mais c’est faux, ce n’est qu’une illusion d’optique, pour qui ne connaît pas le quartier. »

Finalement, il l’aimait bien ce quartier et pensait de moins en moins à son Limousin natal où il ne voulait plus revenir, sans doute pour ne pas altérer le souvenir qu’il en avait gardé. Il me montrait  les usines qui s’étaient implantées au fil des années, Maillard fonderie Roux Heudebert Petersem Berliet  établissements Keller-Dorian papiers d’un côté et impression sur tissus de l’autre, tant d’autres dont j’ai oublié le nom, dont il ne reste rien. Ici, rien ne nous renvoie à la mémoire, aucun témoignage effectif, concret, seulement des hommes qui se souviennent encore de ces temps révolus, dont l’histoire les assigne à anonymat.
Se profile encore ici l’ombre de mon père qui se gomme au fil des années pour s’effacer comme l’eau s’écoule inéluctablement entre nos doigts.

Après, c’est affaire de caractère, de volonté, de chance aussi. (cf la déportation, celui qui en avait réchappé, enfoui sous les cadavres, le réflexe de Vailland évitant l’arrestation 
Dans ces aléas du destin, nulle référence à la religion, à une quelconque intervention divine dans son propos, comme si la question ne méritait pas d’être débattue, comme s’il avait résolue la question depuis longtemps et qu’il ne voulait pas y revenir.

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« Je porte mon père en moi. » Laurent Gaudé, La porte des Enfers
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Il disait tout ceci mon père, dans un style cursif, allusif, où les silences non-dits gestuelle comptaient autant que les mots prononcés. « Tu sais, ajoutait-il parfois quand il voyait mon regard interrogatif, on parle toujours beaucoup trop et en général ceux qui agissent parlent peu. » Le gênait cette rumeur inaltérable qui s’écoulait des lèvres, ponctuait les discours, un bourdonnement incessant d’insectes importuns qu’il voulait chasser.   

La ville n’a jamais vraiment été son truc. Il a passé une partie de son temps à effacer la ville, à recréer un paysage champêtre avec
Pour cela, il disposait de tous ses après-midi après avoir consacré une matinée qui commençait tôt à jouer les
Il disait mon père qu’il était comme sa femme, une femme de ménage qui nettoyait la ville de ses remugles comme elle récurait la saleté dans les appartements et les maisons des bourgeois du coin. Sérieux, travailleur, tout ce que vous voulez, mais pas dupe.

Il n’était pas dupe non plus de cette espèce de neutralité qui dominait les relations de travail. Mais, dans les années trente, pas de discours, peu de langue de bois dans, les rapports étaient à la fois plus directs et plus brutaux.  

C’était dans cet entre-deux-guerres d’un temps entre chiens et loups qu’il fallait bien affronter après la saignée de la Grande Guerre dont la génération de ses parents ne s’était pas encore remise et qui d’ailleurs, ne s’en remettrait jamais. Le pays sommeillait doucement, dans un léthargie qui présageait des réveils douloureux. Lui (sa vie en Limousin)

        

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« Dominer quelqu'un, exercer sur lui son pouvoir, c'est lui voler une part de sa liberté. » disait mon père
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Je ne me souviens plus de ses mots, il ne l'aurait certainement pas dit comme ça. Il l'aurait dit de façon plus diecte, plus imagée. Il croyait aussi qu'il fallait lutter pour arracher à la vie quelques bribes de liberté. Sans doute, ce constat que chaque génération portait le poids d'une guerre, histoire familiale qui lui a fait dire quand je suis né, « j'aurais préféré une fille, elle au moins ne serait pas partie à la guerre ! » Rupture. Je n'y suis jamais allé à "leur" guerre, comme il disait, parce que ce n'était pas la sienne. justification, justification, rétorquait-il à toutes les bonnes et les mauvaises raisons qu'on pouvait lui opposer.

Existait aussi dans la geste familiale, cette histoire d'un grand oncle revenu par miracle de la campagne de Russie, un pontonnier rescapé de la Bérézina... ce n'était plus la chronique héroïque de l'igle qui vole de clocher en clocher, simplement la peur et le malheur dans l'univers glacé de la grande Russie, le goût amer de la défaite, l'espoir qui rétrécit comme peau de chagrin pour n'êre plus qu'un "sauve-qui-peut", l'idée fixe de continuer coûte que coûte de marcher dans la neige épaisse et l'air gelé qui figeait sa respiration, juste un pas devant l'autre pour sauver sa peau. 

<< Christian Broussas - Mon père disait - 10/04/2019 • © cjb © • >>
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  La beauté du geste, celui du maçon.

 

23 octobre 2023

Lien d'amitié VI

 

« De celui qui n’est plus, le cœur ne sait rien, sinon qu’il se répète : "Il était et Il n’est plus". […] À la tristesse ineffable succède l’idée que ceux qui meurent n’ont pas vécu en vain… et qu’il faut aimer la vie à l’excès dans autrui. »
Renaître, Hélène Grimaud

C'est comme une pensée récurrente
Qui me trotte en tête et qui me hante
Sans que je ne l'eusse pressenti
Me laissant pour un temps interdit.

Mais que sont ces simples souvenirs
Qui m'arrachent parfois un sourire
Et déchirent d'un coup nos silences
Me renvoyant à l'adolescence,
Comme si la triste idée d'absence 
Contenait aussi une présence.

Ce qu'on sait, on ne l'a pas appris,
Ça fait partie de nous, de nos vies,
Sans doute que ce doit être ainsi,
Un lien intemporel, mon AMI.

 

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23/10/2023 >>
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