Rita Lévi-Montalcini Science et humanisme

Née le  22 avril 1909 à Turin, Piémont, Rita Lévi-Montalcini est actuellement la lauréate vivante la plus âgée et, à ce jour, la lauréate ayant vécu le plus longtemps de tous les prix Nobel.
Décédée à Rome le 30 décembre 2012

« Que le corps fasse ce qu'il veut. Je ne suis pas mon corps. Je suis mon esprit. »      Rita Lévy-Montalcini

Comment célébrer vos cent ans ?
- Bah… ce qui m’intéresse, c’est ce que je fais chaque jour. Je travaille à obtenir des bourses d’étude pour des fillettes africaines afin qu’elles étudient et se préparent à travailler pour l’avancement de leur pays. Je continue mes recherches, je continue ma réflexion.
Pas question de retraite, ça détruit le cerveau !

Comment fonctionne votre cerveau ?
- Exactement comme quand j’avais 20 ans, aucune différence ni dans mes désirs ni dans mes capacités. Demain, je vais participer à un congrès médical.

Nous jouissons d’une grande plasticité neuronale : même si des neurones meurent,  ceux qui restent se réorganisent afin de maintenir les mêmes fonctions, mais encore faut-il les stimuler.
Comment ? En maintenant ses désirs, en activant le cerveau pour le faire fonctionner, ainsi il ne pourra pas se dégénérer.

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Et je vivrais plus longtemps ?
- Vous vivrez mieux les années qu’il vous reste à vivre et c’est cela qui est intéressant. Le secret, c’est de demeurer curieux, engagé et avoir des passions.

La vôtre fut la recherche scientifique.
- Oui et je continue, aussi passionnée. En 1942, j’ai découvert comment croissent et se renouvellent les cellules du système nerveux, ce que j’ai appelé ‘‘nerve growth factor NGF’’ (facteur de Croissance nerveuse),  mais pendant un demi-siècle ma découverte ne fut pas reconnue.

Comment une jeune italienne des années 1920 est-elle parvenue à être neuro scientifique ?
- Depuis mon enfance, j’ai toujours étudié. Mon père voulait que je fasse un bon mariage, que je sois une bonne épouse et une bonne mère… mais j’ai refusé. Je me suis tenue devant lui en lui disant que je voulais étudier.
Enfant, je ne me sentais pas très heureuse, un vilain petit canard, sotte et sachant peu de choses. Je me sentais inférieure à mes frères aînés qui étaient brillants.

Vous en avez fait un stimulant et, au moyen de la science, vous l’avez réalisé.
- Oui, et aussi en suivant l’exemple du docteur Schweitzer qui luttait contre la lèpre en Afrique. Moi aussi, je rêvais d’aider ceux qui souffrent.
Aujourd’hui j’apporte mon aide aux fillettes africaines pour qu’elles puissent étudier. Lutter contre la maladie, c’est bien mais il faut aussi lutter contre l’oppression de la femme dans les pays islamiques.

Pourquoi y a-t-il encore peu de femmes parmi les scientifiques ?
- Il faut savoir que certaines inventions attribuées à des hommes sont en fait dues à des femmes (sœurs, filles ou femmes) Les femmes étaient laissées dans l’ombre mais aujourd’hui nous sommes les héritières d’Hypatia. [La sage Alexandrine du IV ème siècle]
Durant le fascisme, Mussolini voulut imiter Hitler dans la persécution juive… J’ai dû me cacher un temps mais sans cesser mes recherches… J’ai monté mon laboratoire dans ma chambre, découvrant l’apoptosis, c’est-à- dire la mort programmée des cellules.

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Pourquoi tant de juifs parmi les scientifiques et les intellectuels ?
- L’exclusion a provoqué un stimulus intellectuel : on peut tout prohiber, sauf ce qu’on pense, d’où le nombre de prix Nobel parmi les juifs. 

Comment expliquer la folie nazie et les problèmes d’aujourd’hui ?
Hitler et Mussolini surent parler aux foules, quand le cerveau émotionnel prédomine sur le cerveau néocortical, l’intellectuel, manipulant les émotions, non la raison. Aujourd’hui encore, dans plusieurs écoles américaines, on enseigne le créationnisme au lieu de l’évolutionnisme.
La raison est fille d’imperfection. Chez les invertébrés, tout est programmé : ils sont parfaits. Nous, sommes imparfaits et avons donc recours à la raison, aux valeurs éthiques pour discerner entre bien et mal : c’est le plus haut grade de l’évolution darwinienne !

Vous ne vous êtes jamais mariée et n’avez pas eu d’enfants.
- Non, je suis entrée dans la jungle du système nerveux,  fascinée par sa beauté et j’ai décidé de lui dédier tout mon temps, toute ma vie.

Parviendrons-nous un jour à guérir l’Alzheiner, Parkinson et la démence sénile ?
- Guérir ? Nous parviendrons à freiner, retarder, minimiser toutes ces maladies. Mon rêve serait que nous parvenions à utiliser au maximum la capacité cognitive de notre cerveau. Même si je suis consciente de mes limites.
Finalement, le meilleur de ma vie fut de pouvoir aider les autres. Si j’avais 20 ans aujourd’hui ? Je ferais ce que je suis en train de faire.

 
Voir aussi 
* Rita Lévi-Montalcini, Éloge de l’imperfection, Éditions Plon
* Rita Lévi-Montalcini, L’atout gagnant : À un âge avancé, notre cerveau garde des capacités exceptionnelles que chacun peut utiliser, Paris, Robert Laffont,‎ 1999, 168 pages

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