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Site Univers littéraire
28 décembre 2012

Philippe Delerm et son œuvre (2)

L'auteur en 2010

<<< Voir aussi Philippe Delerm et son oeuvre (1ère partie)   >>>

RAPPEL :
Philippe Delerm est un écrivain, né le 27 novembre 1950 à Auvers-sur-Oise (Val d’Oise) qui vit actuellement dans le village de Beaumont-le-Roger dans l’Eure. Il est l’auteur de recueils de poèmes en prose comme ‘’La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules’’ en 1997. Il publie ensuite plusieurs ouvrages, Il avait plu tout le dimanche en 1998, La Sieste assassinée en 2001, Enregistrements pirates en 2003 ainsi qu’un recueil des nouvelles, L' Envol en 1995 et un essai, Les Chemins nous inventent en 1999. Depuis 2007, il a quitté l’enseignement pour être écrivain à temps plein et diriger la collection "Le goût des mots" aux éditions Points/Seuil. Il a obtenu le Prix du Style en 2009.

Présentation : 1- Ma grand-mère avait les mêmes
2- Quelque chose en lui de Bartleby      3- Écrire est une enfance
 


1- Ma grand-mère avait les mêmes


 
Philippe Delerm : Ma grand-mère avait les mêmes, Éditions Points, collection "Le goût des mots", 93 pages, ISBN 978-2-7578-0837-5
 
Philippe Delerm renoue avec un genre qu'il affectionne, [1] ce goût des mots, du nom de cette collection, ce qu'il nomme lui-même en sous-titre "les dessous affriolants des petites phrases".
 
Il note dans ce recueil les mots, les expressions qui à l'image du premier récit "Ma grand-mère avait les mêmes", donne son ton aux différents récits et son titre au livre. Les différents textes qui composent l'ensemble possèdent ce goût de la nostalgie des vieux objets de la jeunesse, retrouvés au gré d'une brocante, qui rappellent les menus plaisirs de la vie quotidienne d'alors, une fugace réminiscence de spleen ou de solitude, tous ces souvenirs ressuscités qui égrènent leur poids d'émotion. Des sentiments qui affleurent dans des récits tels que "ça devrait toujours rester comme ça" face aux évolutions pourtant inéluctables ou ces mots qui devraient consoler "c'est le soir que c'est difficile". [2]
 
Il saisit ainsi au hasard de ses petites histoires les petits riens auxquels on ne prêtre guère d'attention mais si porteurs de sens, qu'il distille avec volupté, à la fois simples et denses, , ce que chacun a déjà ressenti à l'occasion d'une réflexion, d'une remarque ou d'une discussion, tous les non-dits si porteurs de sens. [3]
 
On y retrouve le souvenir ému de ce qui ne sera plus, tel ce "Qui lit encore Duhamel ?," la patine du temps qui fait parfois plus vieux qu'ancien, mêlée d'une pointe de regret. [4] Il met en lumière les petites touches qui changent tout comme dans cette répartie d'un personnage découvrant une inconnue chez des amis, "on ne vous fait pas fuir, au moins ?" qui marque la légère muflerie que le ton ne peut vraiment dissimuler. De l'art de faire comprendre les choses sans les dire. Philippe Delerm traque bien d'autres ambiguïtés de langage entre des expressions policées qu'il est séant de dire, et leur subtile interprétation.
 
Sélection bibliographique

  • "Autumn", Éditions du Rocher, 1988, prix Alain-Fournier ;
  • "Sundborn ou les Jours de lumière", Éditions du Rocher, 1996, Prix des libraires, 1997 et prix national des bibliothécaires
  • "Les Amoureux de l’Hôtel de Ville", Éditions du Rocher, 2001 ;
  • "Dickens, barbe à papa et autres nourritures délectables", Gallimard, 2005, ISBN 2-07-076760-4;
  • "La Tranchée d'Arenberg et autres voluptés sportives", éditions Panama, 112 pages, 2007;
  • "Quelque chose en lui de Bartleby", éditions Mercure de France, collection bleue, 2009, ISBN 978-2715228245.

Notes et références

  1. ↑ Dans la même veine que ses précédents récits "La première gorgée de bière..." ou "Dickens, barbe à papa..."
  2. ↑ Marianne Payot de L'Express le 27/11/2011 : "Philippe Delerm a le talent de dévoiler les 'dessous' des mots avec beaucoup d'humour."
  3. ↑ Des messages qu'il aime décoder, décortiquer comme dans son autre recueil paru en 2009 "Quelque chose en lui de Bartleby"
  4. ↑ Voir l'article de Christine Ferniot dans Télérama du 17/12/2011

2- Quelque chose en lui de Bartleby
 
Philippe Delerm : "Quelque chose en lui de Bartleby", Éditions Mercure de France, collection bleue, 149 pages, 2009, ISBN 978-2715228245.
 
Arnold Spitzweig est ce qu'on peut considérer comme un Français moyen, à l'aise dans sa condition, sans grande ambition donc, célibataire bien qu'il ait vécu quelque temps avec Clémence Dufour. [1] Il aime ce Paris un peu désuet des petits troquets où la vie de quartier s'épanouit encore, même s'il éprouve une certaine nostalgie pour son Alsace natale et son village Kentzheim.
 
Arnold Spitzweig -"Spitz" le sommet et "sweig" le chemin, « quelque chose comme le chemin de crête » commente son ami Dumontier- a longtemps entretenu avec l'ordinateur des rapports distants et même difficiles. « Vous y viendrez, vous verrez » pronostiquait son amie Jeanne Corval. Elle avait raison.
À Dumontier qui glose sur les blogs qui fleurissent maintenant, il répond d'un air satisfait : « Je tiens mon blog depuis un mois. » Stupéfaction de son entourage. Pourtant, Arnold Spitzweig est plutôt un contemplatif, observant les gens, ce qui se passe autour de lui, sans cesse en éveil, « je ne sais pas ce que c'est que l'ennui » disait-il avec fierté.
 
Ce Bartleby dont il est question dans ce récit [2] et dans le titre a effectivement un "petit quelque chose d'Arnold", commis aux écritures rêvassant à sa fenêtre, mais lui s'autorisait quelques douceurs comme de fumer de temps en temps un cigare au Luxembourg ou de lire, détendu, son journal à la terrasse du "Rouquet". [3]
 
Et ce qui est incroyable, c'est que son blog Antiaction.com -un titre qui est déjà une profession de foi- rencontre un succès phénoménal et qui ne semble pas se démentir. Après les commentaires élogieux de son blog sur "France-Inter", il sort vraiment de l'anonymat. Il connut un succès tel que même son amie d'enfance Hélène Wohleber-Necker dont il a jadis été très amoureux, s'intéresse à lui maintenant. Arnold Spitzweig aime flâner dans Paris, le long du canal Saint-Martin jusqu'au bassin de la villette par exemple ou remonter la rue Oberkampf jusqu'à Ménilmontant. C'est ce qu'il écrit dans son blog, décrivant, livrant ses impressions, un blog qui est dans l'air comme in est dans l'air du temps.
 
Un important éditeur lui a même proposé de le publier mais, se demanda-t-il, « fallait-il exister en-dehors de soi ? » Décidément, non. Désormais, il veut écrire uniquement pour lui, au nom de "ce quelque chose en lui de Bartleby".
Philippe Delerm dissèque aussi ces petits riens qui sont sa spécialité, [4] les relations si anodines au premier regard entre Arnold Spitzweig et ses amis du bureau. [5]
 
Commentaires et critiques
« Le roman de Delerm pose comme sujet de réflexion, le besoin moderne de s’exprimer, le besoin de reconnaissance, la valorisation du petit fait quotidien, mais ne fait que poser la réflexion, à nous d’aller plus loin. Faut-il ou non succomber au monde moderne, à ces nouveaux moyens d’expression, à cette reconnaissance médiatique ? » voir le site [1]
 
« Mais qu'est-ce qu'ils ont tous avec Bartleby ? », Le Nouvel Observateur du 27 août 2009
 
Sélection bibliographique

  • "Autumn", Éditions du Rocher, 1988, prix Alain-Fournier ;
  • "Sundborn ou les Jours de lumière", Éditions du Rocher, 1996, Prix des libraires, 1997 et prix national des bibliothécaires
  • "Les Amoureux de l’Hôtel de Ville", Éditions du Rocher, 2001 ;
  • "Dickens, barbe à papa et autres nourritures délectables", Gallimard, 2005, ISBN 2-07-076760-4;
  • "La Tranchée d'Arenberg et autres voluptés sportives", éditions Panama, 112 pages, 2007

Notes et références

  1. ↑ Voir aussi son récit précédent avec le même personnage "Monsieur Spitzweg s'échappe"
  2. ↑ "Bartleby" est un personnage de Herman Melville, personnage qui refuse les contraintes et préfère rester en retrait du monde, qui dit souvent : « Je préfère pas » (cf pages 51-53).
  3. ↑ D'autre "petits bonheurs au quotidien" qui rappellent son ouvrage "La Première Gorgée de bière et autres plaisirs minuscules" paru en 1997
  4. ↑ Voir par exemple son recueil Ma grand-mère avait les mêmes
  5. ↑ Voir l'article "Philippe Delerm à l'affût des petites phrases", L'Express du 9 mai 2012

3- Écrire est une enfance

 
 
Référence : "Ecrire est une enfance", éditions Albin Michel, 12 octobre 2011, ISBN 2226229825
 
Présentation et contenu
Dans cet essai autobiographique, Philippe Delerm, parvenu à la soixantaine, s'interroge sur son écriture et sa passion d'écrire, tente de percer les raisons secrètes, dans une quête introspective, de savoir ce que peut bien signifier l'acte de noircir jour après jour des feuilles de papier, au-delà des raisons habituelles qui tournent autour du besoin de reconnaissance et de l'ego.
 
Dans cette recherche qui le ramène à l'enfance, il traque la genèse de son écriture, le parcours d’homme et d’écrivain qu'il a suivi jusqu'alors, examinant avec soin le chemin parcouru. Retournant vers ses jeunes années, avec une grande lucidité mâtinée d'une certaine mélancolie, [1] il revient sur ses premiers tâtonnements d'écolier, le lien avec des parents instituteurs qui ont influencé dans une certaine mesure son penchant naturel pour cette forme d'expression, ce besoin de lire exaspéré par l’isolement lié à une longue maladie infantile, une timidité naturelle qui l'a gêné mais a sûrement aussi joué son rôle dans son rapport à l'écriture. [2]
 
Il poursuit avec ses difficultés, celles de ses relations féminines que n'arrange pas sa timidité [3], le renoncement final au journalisme sportif, [4] puis la rencontre avec Martine la femme de sa vie, sa décision d'être professeur de lettres, qui est encore une autre forme de relation à l'écriture. Il parle bien sûr des influences littéraires qu'il a subies, celle de Marcel Proust, de Paul Léautaud, Jules Renard parmi les plus notables, ses "parrains d'écriture" comme J.M.G. Le Clézio, Jean d’Ormesson, Pascal Quignard …

Il va connaître le succès qui vient enfin avec La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules. C'est un homme éclectique qui, outre son attachement à l'enfance et à la littérature, a une attirance pour le sport en général, [5] et aime aussi la chanson française, la peinture, le cinéma... tout ce qui tourne autour de l'expression artistique, ce mélange de mélancolie [6] de joie, de sérénité et de bonheur [7] qu'on retrouve souvent dans ses récits.
 
Notes et références

  1. ↑ « Parfois on dit : "On aurait presque pu..." Là, c'est la phrase triste des adultes qui n'ont gardé en équilibre sur la boîte de Pandore que la nostalgie.» (La première gorgée de bière, p.28, Éd. L'Arpenteur)
  2. ↑ Il dit dans la Video AlbinMichel du 18 novembre 2011 que son besoin d'écrire vient surtout de : « sa façon singulière de regarder le monde qui nous entoure et à sa façon de la 'transfuser' dans des livres... » Propos sur le regard à rapprocher de ce qu'il dit dans son essai "Les chemins nous inventent en 1997 : « C'est le regard qui compte, et cette envie d'aller par les chemins. »
  3. ↑ « Les filles sont un autre monde, et je m'en souviendrai. Elles deviendront cet ailleurs difficile où je te reconnais, pays à inventer pour le bonheur de passer la frontière.» (Le Cinquième Saison, page 53, Éd. du Rocher)
  4. ↑ Renoncement qu'il traduira par l'écriture dans son récit La Tranchée d'Arenberg et autres voluptés sportives
  5. ↑ Féru d'athlétisme, il a collaboré au journal "L’Équipe" pendant les Jeux olympiques d'Athènes en 2004 et en 2008, il a commenté pour "France Télévisions" les épreuves d'athlétisme aux jeux de Pékin
  6. ↑ « J'aime la mélancolie de ce passant. Il n'a plus aucune de ces prétentions du paraître qui nous amenuisent tant dans la vraie vie, nous contraignent à cacher nos blessures, nos tristesses. » (L'envol, page 7, Éd. Librio n°280)
  7. ↑ Voir son recueil de nouvelles "Le trottoir au soleil" en 2011 où il évoque « ces petits éclats de vie qui font la trame des jours heureux. » 

Voir aussi

  • "Dickens, barbe à papa et autres nourritures délectables", Gallimard, 2005, ISBN 2-07-076760-4;
  • "La Tranchée d'Arenberg et autres voluptés sportives", éditions Panama, 112 pages, 2007
  • Rémi Bertrand, "Philippe Delerm et le minimalisme positif", Éditions du Rocher, 2005
  • "Philippe Delerm, un écrivain engorgé" par Philippe Lançon, Libération du 10 février 2011
  • Ma fiche sur Les eaux troubles du mojito 

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