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15 mai 2018

Didier Decoin Madame Seyerling

Référence : Didier Decoin, Madame Seyerling, éditions Le Seuil,  janvier 2002

Après Abraham de Brooklyn et John l'Enfer, Didier Decoin retourne à New York pour gratter le vernis de nos existences et sonder les tragédies de l'Histoire dans ce troisième volet de sa trilogie new-yorkaise.

         

Être écrivain sans écrire, telle est la décision d’Antoine Dessangles : jouer à l’écrivain tout en refusant la fiction pour mieux rejoindre le réel. Il va désormais traquer ce réel à travers des héros de la vraie vie : la jeune fille amoureuse, le boxeur de Valenciennes, l'hôtesse de l'air, le plagiste de Biarritz. Il joue les voyeurs, les traquant dans leur vie quotidienne pour savoir ce qu’ils deviennent après la crise qu’ils ont vécue : ce qu’il appelle  « collectionner les après. »

Un jour, il lui semble tenir enfin ce qui pourrait bien être son chef-d’œuvre : la douleur de madame Seyerling, une Noire dont la fille a été condamnée pour meurtre et exécutée. C’est une mère difficile à cerner, à la fois très forte et soumise à certaines fragilités. Mais pénétrer ainsi dans une vie n’est pas sans danger. Antoine Dessangles peut difficilement sortir indemne de cette histoire, rester un simple voyeur sans changer de rôle et devenir un témoin puis un acteur de la situation.

      

Dans cette trilogie, on part de New York à la naissance de la ville, avec un Abraham qui ne porte pas par hasard ce nom biblique. La ville sera soumise aussi à une formidable crise sociale et financière où un laveur de vitres indien s'évertue à faire du bien aux autres sans vraiment y parvenir. Après ces deux romans, Didier Decoin aurait aimé écrire un troisième volet sur un « New York heureux » mais l’histoire en a décidé autrement avec le tournant pris par les États-Unis en l'an 2001. Il termine en effet son manuscrit en septembre 2001, donc juste avant l'attentat contre les gratte-ciel new yorkais et dès lors son livre ne pouvait plus être l’image du bonheur.
Curieuse collision entre une fiction de Didier Decoin et la réalité de l’histoire.

        
Sa "trilogie new-yorkaise"

Si c’est le récit d'un romancier finissant en veine d’écriture, c’est aussi celui d'une femme noire, Mme Seyerling, dont la fille Laura finira sur la chaise électrique. Antoine Dessangles prend peu à peu conscience de la relativité du rôle de l’écrivain. Pour sa femme Isabelle par exemple, il exerce juste un métier, un boulot comme un autre. La confrontation à cette réalité le conduit à refuser d’écrire. Pour l’écrivain aussi, il y a un « après » qui suit le temps des honneurs de l’actualité, un moment de gloire éphémère.

À New-York, il épie madame Seyerling, entre difficilement en contact avec cette femme emmurée dans le silence.  Sa volonté de ne plus écrire se perd dans ce manuscrit qu’il signe mais qui n’est pas de lui tout en le faisant publier sous un pseudonyme, ce qui n’est pas sans rappeler un Romain Gary se cachant sous les traits d’un Émile Ajar.

Madame Seyerling  ira jusqu’en Angleterre contempler un "jardin blanc" qui symbolise sans doute pour un croyant comme Didier Decoin, un petit coin de paradis, une certaine vision de ce que pourrait être l'« après » de la condition humaine.

        

Voir mes fiches sur Didier Decoin :
* Didier Decoin, "Docile" -- * Didier Decoin, "Une anglaise à bicyclette"
* Didier Decoin, "Lewis et Alice" -- Didier Decoin, "La pendue de Londres --
* Didier Decoin, "La femme de chambre du Titanic" -- Louise -- Madame Seyerling --

   << Christian Broussas - Carnon Mauguio - 15 mai 2018 - © • cjb • © >>

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